« On se sait jamais pourquoi on devient comédien, au fil des ans de nouvelles raisons apparaissent, des plus extérieures (carrière, argent, reconnaissance), aux plus intimes (son histoire la plus personnelle, son rapport au monde, aux autres).
Il y avait une blague en Union soviétique : « Le communisme est à l’horizon ! Qu’est-ce que l’horizon ? Une ligne qui s’éloigne à mesure qu’on s’en approche. » Voilà à quoi me semble-t-il on en est réduit lorsque l’on veut savoir pourquoi l’on est comédien et ce que c’est que d’être comédien : n’en jamais atteindre le fin mot.
Cela ressemble aussi à la marche en montagne, à chaque col on pense qu’il s’agit du dernier mais, celui-là passé, on en découvre toujours un qui une fois passé laissera place à un col nouveau.
Néanmoins, il y a deux lignes d’horizon qui peut-être se croisent ! La première est tracée par Jouvet : « on devient comédien par dégoût du réel », l’autre est tracée par toutes sortes de philosophes et par Shakespeare (entre autres), l’idée que le monde est tissé de semblants (la fameuse « étoffe dont nos songes sont faits ».
Si quelque chose « dégoûte » dans le réel, c’est n’est pas seulement l’injustice et la souffrance mais aussi qu’on trouve le moyen de la justifier – là sont tous nos semblants.
C’est pourquoi, nous les comédiens, nous sommes souvent des histrions. Il faut bien connaître les semblants, que les semblants nous aient beaucoup éloignés de nous pour avoir envie de les traverser et revenir enfin vers soi.
(Et tout cela se produit à l’échelle de l’individu comme à l’échelle de la société.)
Jouer, alors, c’est peut-être tenter de « traverser les apparences » pour rejoindre une joie et une douleur qu’on ne pourra enfin plus masquer.
Joie et douleur qui sont, en nous et entre nous, la réalité la plus profonde.
Comme on dit, mentir pour ne plus mentir.
Et cela n’est possible, je crois, que sur un plateau.
Ça commence par un jeu, souvent le plus idiot… «
Son spectacle Correspondance avec la Mouette est repris, pour deux dates, au théâtre de l’Abbaye à Saint-Maur-des-Fossés, le samedi 9 à 20h30 et dimanche 10 avril à 16h. C’est entre 35 et 40 mn de Châtelet les Halles.